Pandémie ou pas, c’est si bon parfois de s’effondrer complètement sur soi-même pour se vautrer corps et âme dans le quasi rien réconfortant, et c’est exactement ce qu’est Terrace House :
Seinfeld s’est rêvée « série sur Rien », Terrace House en est la déclinaison télé-réalité : née au Japon en 2012 d’après un concept aussi mince que ses protagonistes, on donne une belle maison et deux belles voitures à trois garçons et trois filles qui cohabitent. Ils travaillent, sortent, voient leurs amis et regardent Terrace House à la télé, et s’en vont quand ils veulent, remplacés par un nouveau ou une nouvelle.
Au cours de la première série « Boys and Girls Next Door » le concept définitif se met en place, à savoir le panel de personnalités japonaises (pour la plupart comiques) qui regarde et commente les faits et gestes des protagonistes, comme s’ils partageaient notre canapé.
« No script, no rules, no goals », pas d’autres scripts, règles et objectifs que ceux instaurés par la société et les colocataires eux-mêmes, pour la plupart habités par une passion et une vocation forte. Chacun·e fait mine de débarquer à la recherche du grand amour, et les quelques tentatives de romance avortées prennent alors une importance démesurée, et pourtant c’est les amitiés formées, l’intimité réconfortante de ce cocon poreux qui marque le plus les spectateurs et les participants. Il ne se passe jamais rien d’autre que la vie : on rit, on pleure, on discute, on coupe des oignons en petits bouts, on se dit aurevoir et on pleure encore.
Terrace House accomplit le grand fantasme de la télé-réalité, qu’elle a toujours été trop lâche pour réaliser jusqu’au bout : la peur d’ennuyer le spectateur qui conduit à en faire des caisses (jeux, défis, bidonnages) alors qu’il suffisait de montrer des humains en train d’humaniser, et c’est assez fascinant en soi.
La Bande-originale est très « pop-rock de vieux jeune », du générique efficace de Taylor Swift (We are never ever getting back together) aux virgules de snow patrol et the verve, mais l’album d’accompagnement que je recommande est une petite perle doudou qui nous rappellera nos meilleures années de fans de Newport Beach, il s’agit de Nighttiming, de Coconut Records (Jason Schwartzmann, 2007)
Émotions emmêlées, nostalgie imprécise, un album solide là où on n’attendait Rien, bref la vie qui trouve un chemin.
Hello Ladies, qui a besoin de conseils culturels ou de contenu supplémentaire ? personne et surtout pas moi! Au jeu des appariements (quel vin déguster avec quelle viande quand on est végétarien et sobre) il s’agira ici de lier un disque et une série, les deux n’étant pas consommables en même temps car la vie est mal faite. Tiens je vais rajouter un livre à lire (vous arrivez à lire en écoutant des disques vous ?)
Thématique sororité, sans niaiserie ou illusions, sans les hommes qui ne sont pourtant jamais bien loin sans être nécessaires ou particulièrement désirés :
Better Things, de Pamela Adlon : une série auto-fictionnelle mettant en scène une mère et ses trois filles, sa propre mère, ses amiEs, son boulot, de la cuisine et des toilettes débouchées. Un Jeanne Dielmann en plus fun, centré autour du charisme androgyne de Pamela Adlon, qui n’est pas « une fille à filles » et qui n’aime pourtant plus beaucoup les hommes, une série douce-amère qui ne fuit pas les sentiments sans jamais verser dans le gnan-gnan. (Si vous avez hurlé au génie devant Louie mais que vous n’avez jamais vu Better Things, je vous juge fort)
On en a beaucoup parlé (ici aussi), l’album qui s’accord très bien avec cette série est celui de Fiona Apple, émancipée du regard extérieur, du passé, des règles (des hommes), et qui s’adresse directement à celles qu’on a voulu ériger en rivales, concurrentes, ennemies, alors qu’elles étaient ses semblables.
Pour aller avec tout ça, vous pouvez lire l’Amie Prodigieuse, d’Elena Ferrante, même si vous avez sûrement déjà lu toute la série alors que j’en suis toujours au premier volume. Sur la richesse, la complexité et l’importance que peut avoir une amitié entre filles, qu’on ne doit surtout pas se laisser pervertir ou voler par des mentalités de mauvaise rom-com (où la copine serait là EN ATTENDANT l’Homme, avant ou après pour consoler mais toujours par rapport à lui. Naze.)
En parlant de paresse, prise d’un léger écœurement face à la quantité de contenu à consommer (ça arrive de temps en temps) et puisque c’est un travail non essentiel et non payé, je propose une grève perlée.
“To be fair, it’s possible that I’m confusing “grappling with the fragility of life and the ordinariness of death” with “being sober”. ” https://gu.com/p/dkgf5/stw
I volunteer as a tribute : https://www.20minutes.fr/monde/2767663-20200425-coronavirus-mangeons-tous-frites-deux-fois-semaine-comment-belgique-veut-sauver-producteurs-pommes-terre?xtor=RSS-176
je redécouvre reddit, faut pas en abuser, mais quelle joie https://www.reddit.com/r/askscience/comments/g8ny5f/is_the_average_human_being_closer_to_the_size_of/
Hors-sujet : je suis pas du tout d’accord et en même temps j’ai l’impression d’avoir écrit cet article dans une version du multiverse, ça me fait souvent ça avec Pauline :
Pour tous les articles concernant l’incompétence du gouvernement, je vous renvoie vers Mediapart, y en a trop et ça me fait même plus rire. (si ça me fait toujours un peu rire en vrai, mais c’est quand même inquiétant)
le pays va se diviser un peu plus entre ceux qui ne verront plus l’intérêt de bosser autrement qu’en slip et ceux qui sont tout excités à l’idée de remettre un jean rigide à bouton (les monstres).
(sinon Vincent Lindon est sympa mais je suis assez sceptique sur ses propositions quand même, on me verra ni défendre plus de prison ferme et encore moins l’augmentation de salaire des éluEs)
comme je me suis énervée sur les couturières, pas de raison que le « Monde de la Culture » y échappe : https://next.liberation.fr/theatre/2020/05/05/tout-reinventer-avec-plaisir-des-lors-qu-on-n-orchestre-pas-un-massacre-social_1787467 DES REVENDICATIONS CORPORATISTES À LA VUE COURTE une fois de plus. Je comprends que chacun se batte pour son secteur (car sinon qui le fera) mais il va nous falloir une vision interprofessionnelle (voire qui englobe les chomeurs ! les précaires ! les étudiantEs ! les retraitéEs ! bref TOUT LE MONDE) parce qu’en fait ça risque d’être chaud pour tout le monde et ça l’était déjà pour un certain nombre de personnes sans que ça traumatise plus que ça nos « indépendants » de la culture, macronistes* et proches de collomb. Commençons par assurer les (sur)vies individuelles en répartissant les richesses, et regardons ensuite quels secteurs on veut sauver (et oui la culture c’est important mais on a de quoi patienter pour l’instant). Souvenez vous de ce cri du cœur absurde lu sur facebook « et les artistes vous êtes où pour nous soutenir alors qu’on vous soutient depuis le début » comme si le coronavirus était une attaque directe contre le petit bulletin et arty farty.
*Edit : au temps pour moi Carry s’est peu à peu rapproché de la « gauche » et a été membre fondateur de Place Publique, le machin creux de Raphaël Glucksmann.
Toujours pas motivée du tout pour cette histoire de masque mais je sens la pression sociale s’accroitre. Officiellement je suis encore les recommandations de l’OMS :
🎵 Nathan et Noam, amis pour la vis, Nathan et Noam contre le Mal réunis : https://www.theguardian.com/us-news/video/2020/may/11/noam-chomsky-trump-is-culpable-in-deaths-of-americans-video https://www.currentaffairs.org/2020/05/the-false-dichotomy/
Marre du COVID ? voilà quelque chose de déprimant et prévisible : une ligne de vêtements Daniel Johnston pousse sur son cadavre à peine froid https://jezebel.com/the-hypebeasts-are-coming-for-your-beloved-anti-consume-1843390759
on va toutes faire semblant d’être matures et sages et citer des extraits de parole en souriant sur nos errements passés avant de tout oublier et de revenir à nos habitudes de petty bitches.
Personne ne va y aller : https://lesjours.fr/obsessions/coronavirus-quarantaine/ep52-temoignage-pain-noir-2/?utm_source=rss-feed&utm_medium=RSS&utm_campaign=rss-feed
Par contre contrairement à ce qui est dit dans l’article le temps est jamais passé aussi vite pour moi, du coup j’ai peur d’un décalage spatio-temporel avec le reste du monde.
rien à voir mais ça m’a fait rire parce qu’on dirait un spam (pardon à la princesse) https://www.liberation.fr/planete/2020/04/18/l-appel-a-l-aide-d-une-princesse-saoudienne-prisonniere_1785554?xtor=rss-450
rien à voir mais quelle bande de chacals : https://theintercept.com/2020/04/15/aoc-primary-challenger-cabruso-cabrera-wall-street/?utm_medium=email&utm_source=The%20Intercept%20Newsletter Protégez Alexandria à tout prix !
l’article du jour sur lequel il ne faut pas cliquer : https://www.franceculture.fr/emissions/radiographies-du-coronavirus/la-covid-19-attaque-t-elle-le-cerveau
A chaque fois qu’il y a un truc qui m’énerve et que j’arrive pas à le verbaliser, je me souviens qu’il y a un sketch génial de Doug Stanhope qui en a déjà parlé.
L’intégrale en vidéo, tout est génial si vous aimez ce genre de trucs, je l’ai vu dix fois et je m’en lasserai jamais.
Nearing the 20-hour mark of my 14-day peer-imposed self-quarantine after my corona virus hot-spot tour. Utter bliss. I need to be shunned like a leper more often. #CoronaVirus
OUI JE SAIS Bernie a assez souffert comme ça le pauvre, mais je souhaite partir de ce cas particulier pour évoquer un problème collectif qui me turlupine.
Rappel des faits :
Pourquoi les airpods c’est de la merde ? (j’en ai pas, hésitez pas à me corriger en cas d’approximations ou d’infos erronées)
C’est un accessoire dont le besoin complètement artificiel a été créé ex nihilo par les marketeux d’apple. Crise environnementale, surconsommation, pas jojo
Alors que la plupart des casques / écouteurs filaires (certes de qualité médiocre et produits dans des conditions douteuses) sont fournis gratuitement avec tout appareil, ces écouteurs sans fil coûtent une fortune (aujourd’hui entre 120 et plus de 200€ selon les modèles).
Bref, j’ai une haine débordante depuis les origines pour ce symbole de toute l’absurdité du capitalisme tardif.
Maintenant prenons Bernie. Qui est Bernie ?
Sénateur socialiste du Vermont, 78 ans, candidat jusqu’à hier aux primaires démocrates américaines, une plateforme radicale (relativement au reste des centristes néo-libéraux démocrates, je parle même pas des républicains), des valeurs fortes, un mec qu’on kiffe.
Que s’est-il passé ?
Deux possibilités : soit Bernie possède réellement des airpods, et donc les utilise comme écouteurs sans penser à mal et je suis DÉÇUE
Soit sa team RP Com lui a collé ça dans les esgourdes en lui disant « tiens Béber, ça fera le mec dans le coup » et je suis affligée.
En effet les quelques réactions que j’ai pu voir en tapant « bernie sanders airpods » sur twitter avaient l’air vaguement amusées, avec le sens de la mesure qui caractérise les twittos.
bernie sanders wearing air pods on stephen colbert makes me so happy
Si, dans ma grande mansuétude de Personne De Gauche (TM) je peux pardonner à un ado issu de milieu populaire ses rêves de con et ses actes de consommation à l’avenant, car ils lui sont imposés par une culture malade, une société brisée et des équipes marketing cyniques et efficaces, j’en veux à tous les autres, proportionnellement à leur capacité sociale et culturelle à POUVOIR FAIRE MIEUX.
Je refuse de normaliser les Airpods. C’est une aberration, un symptôme, c’est tout à la fois le crime ET le châtiment de notre hybris, ils doivent disparaître et toute notre époque avec. On DOIT collectivement faire mieux.
Et Bernie il sait tout ça, il sait la crise environnementale, les ravages du capitalisme, les inégalités qui se creusent au sein des pays les plus riches, la domination et l’exploitation postcoloniale Nord/Sud, il sait la critique de la société de consommation, la course effrénée vers l’effondrement, et il fait quoi ? il met des airpods. En 2020. IN THIS ECONOMY.
Au delà du « role model » que Bernie représente et de la promotion gratuite lors d’un talk show populaire qu’il offre à Apple, je lui en veux PERSONNELLEMENT. L’occasion de remettre sur le tapis une notion quelque peu tombée en désuétude, et c’est bien dommage, à savoir LA RESPONSABILITÉ INDIVIDUELLE.
Vous connaissez sûrement ce cartoon, au moins le 4e panel, qui a pas mal circulé sur le net. Il est très bien intentionné et très utile pour rabattre le caquet de gros vilains de droite qui sous prétexte qu’on vit nécessairement dans une forme de contradiction en profite pour censurer toute critique (on pourrait plus rien dire, à croire que, non mais oh).
Vous connaissez aussi l’expression « il n’y a pas de consommation éthique sous le capitalisme » bien utile pour calmer les bourgeois zéro-déchet un peu naïfs qui pensent que leur âme est pure parce qu’ils font leurs courses chez Naturalia, et que ça leur donne une supériorité morale sur le prolo qui va chez Lidl.
Enfin vous avez sûrement déjà râlé sur « les puissants qui nous disent de couper l’eau quand on se brosse les dents alors que c’est le système qu’il faut changer »
ET OUI !
JE SUIS D’ACCORD !
NÉANMOINS !
J’ai l’impression qu’à force de répéter en boucle une de ces versions ou leurs variantes, on a fini par s’absoudre de toute responsabilité, on s’est lavés de nos péchés à peu de frais, comme si le fait qu’on vive nécessairement avec une part de contradiction excusait tout et n’importe quoi, alors qu’il faudrait tendre à la résorber, à servir le moins possible ce « système » qu’on déteste tant.
Ce que je veux dire c’est qu’un tantinet de culpabilité, un petit peu de honte et une vague haine de soi n’ont jamais tué personne (n’en faites pas trop, juste assez pour provoquer l’action).
Le cinéma nous l’a pourtant dit et répété ces derniers mois : nous (les classes moyennes, les bourgeois, les sénateurs socialistes) vivons en parasite sur le dos de millions d’opprimés un mode de vie absolument illusoire et intenable.
Le message est clair, sans ambiguïté, et pourtant on ne compte plus le nombre de célébrités vivant dans une opulence indécente qui ont applaudi Parasite sans saisir l’ironie de leurs louanges.
Évidemment qu’il faut articuler nos luttes dans une critique du système capitaliste, mais cela ne doit pas nous absoudre de reconnaître (et limiter) notre participation au dit système SURTOUT QUAND IL S’AGIT DE GADGETS AUSSI DÉBILES ET DÉGÉNÉRÉS QUE LES AIRPODS.
L’idée n’est pas de devoir sacrifier tout confort et toute joie, mais de redécouvrir la joie profonde qu’il y a à réparer un appareil, bidouiller des machines, tripatouiller des logiciels, se réapproprier notre environnement et nos objets autrement que par leur consommation, investir dans une économie locale et coopérative. (en vrai je pense un peu qu’il y a des échanges marchands plus ou moins éthiques possibles parallèlement au capitalisme, même si tout est super lié, the good place, c’est compliqué)(ou alors il y a pas de consommation éthique mais y a de la consommation plus diabolique que d’autre).
Piratez Netflix*, boycottez Amazon, mais surtout, surtout ne venez jamais me parler avec une paire d’airpods dans les oreilles.
*Je sais pas si l’argument « mais si personne paye y aura plus de créateur et donc plus d’œuvre » est encore utilisé, mais je donne quand vous voulez toutes les séries netflix du monde en échange d’un revenu de base pour tou·te·s et de films homemades bancals bricolés par mes voisins ou d’un spectacle en ombre chinoise. On trouvera d’autres moyens de s’amuser, promis. (et puis j’ai déjà assez piraté pour nous occuper toute une vie)
Cet article est dédié à The Outline qui comme tous mes sites préférés est parti trop tôt, assassiné par – encore lui – le Grand Capital
By the end of the day, for the cost of this flex you could get close to some AirPods like everyone else https://t.co/9pWJPxuFBv
La vie sans réseaux sociaux, c’est accepter de louper des trucs, ou du moins de retarder leur découverte. Et c’est pas grave ! MAIS FAITES DES NEWSLETTERS BORDEL ! mais aussi c’est pas grave.
Merci donc à Section 26 pour le rattrapage :
et le super site de Scarlatine : https://scarlatine.hotglue.me/